Psychosociologie d’une adolescence en situation inadaptée (3/3)Psychosociologie d’une adolescence en situation inadaptée (3/3)

montage James dean ado

La question du père

L’éloignement physique du père est couramment associés aux problématiques adolescentes mais d’autres variables peuvent avoir des conséquences identiques.

« Ce n’est pas uniquement de la façon dont la mère s’accommode de la personne du père qu’il conviendrait de s’occuper, mais du cas qu’elle fait de sa parole, disons le mot, de son autorité, autrement dit la place qu’elle réserve au nom-du-père dans la promotion de la loi ».

D’une question préliminaire à tout traitement de la psychose, Jacques Lacan
Jacques Lacan

Au-delà de la disparition « physique », l’absence dans l’univers interne de l’enfant pose davantage problème dans la construction du sujet. Ainsi, certains rôles essentiels ne sont pas remplies. Sans un amour alternatif, l’autorité & la fonction symbolique du tiers séparateurs resterons majoritairement inassumées chez les pères d’adolescents en déshérence. Un déséquilibre que les beaux-pères viennent rarement combler.

De l’importance d’une « loi paternelle »

La loi paternelle va permettre à l’enfant d’intérioriser des lois qui sont extérieures à son désir. En ne se confrontant à une frustration qu’à l’adolescence, il se voit subir une injustice par rapport à sa trajectoire de vie dans un environnement familial laxiste. C’est ce type de schéma éducatif qui le pousse à transgresser toujours plus.

A contrario, l’adolescent peut avoir connu des sanctions mais dans le cadre de positionnements familiaux déviants. Par exemple, punir durement sans espace de dialogue et fuir le rôle de relais entre l’enfance et le monde extérieur. Un type de comportement éducatif pouvant faire éclore chez l’enfant des comportements réactionnels autoritaires et transgressifs.

Le Conformisme Adolescent

Heidegger parle d’un « lien de génération » où l’adolescent, en opposition à l’histoire familiale, va multiplier les signes de reconnaissances par ce conformisme d’intégration (vols, signes de reconnaissance, vêtement, vocabulaire, goût). L’idéal du Moi va se détacher progressivement des traits produits par l’identification projective aux parents.

Bérengère Cournut fait le parallèle avec la « dépression anaclitique » chez le nourrisson, théorisée par Spitz. On observerait des réactions similaires chez les toxicomanes ayant eu des liens d’attachement privilégié avec leur mère().

Violence, force de vie chez l’adolescent

Concernant la violence de l’adolescent délinquant, elle englobe de nombreux aspects que sont les situations ordaliques et toxicomaniaques.

L’enfant Bolide

Francis Imbert évoque l’idée « d’enfants bolides » pour désigner les adolescents en détresse :

« C’est jeté, et malheur à qui se trouve sur son trajet. Pas d’échanges possibles avec ces jets si ce n’est autour de la mort. Plus d’échanges possibles, la violence survient quand il n’y a plus de parole »().

Médiations, institutions et lois dans la classe, 2007, Francis Imbert

Cet auteur nous propose également que l’engagement sensoriel, immédiat, perceptif et moteur (ex: violence) assure une fonction anti-traumatique et pré-représentative.

Ainsi, certaines mises en scène, accentués par des contextes sociaux néfastes où les groupes de pairs sont, à l’adolescence, fortement imprégnées par cette dynamique ordalique, sont indispensables face aux déliaisons psychiques de leur âge nous dit Raymond Cahn (Psychanalyse, Adolescence & Psychose, Payot, 1985)

Adolescent violent dans film
Orange Mécanique, Stanley Kubrick

Selon Imbert, l’adolescent bolide fonce pour « s’éclater » et le plus souvent s’écrase. Or, un discours, répandu jusque chez les éducateurs attentifs aux problèmes de rupture chez les enfants et adolescents, identifie appropriation des limites et rencontre des barrières heurtées dans l’extériorité. Seulement, la limite n’est pas l’extériorité et la confusion est extrêmement pernicieuse.

La Conduite Ordalique

L’ordalie est à mettre en lien direct, dans le sujet adolescent délinquant, avec la violence et la toxicomanie, jusqu’à même s’en définir et parfois s’en revendiquer. François Marty et de nombreux psychologues cliniciens s’accordent à voir ces conduites comme une manifestation du processus pubertaire.

Selon lui, l’aspect traumatique de l’irruption de la sexualité génitale va diriger la vie psychique du sujet dans une dynamique pulsionnelle. Cela va conduire à la recherche de la satisfaction de cette pulsionnalité(L’illégitime violence, Broché 1997, F. Marty).

Cette pulsionnalité adolescente peut se transformer en processus de pensées ou en processus de mise en acte (symbolisation versus décharge motrice). D’où l’importance, encore une fois, d’amener le jeune à intérioriser le conflit en le rendant accessible par la pensée.

Le risque de la violence systématique pouvant mener à une « désymbolisation des éléments du conflit et conduit aux recours défensifs des conduites agies »(La crainte de l’effondrement et ses liens avec l’Agir violent à l’adolescence, Anaïs Lotte), les défaillances narcissiques ne permettant pas une différenciation claire entre le sujet et l’objet.

Le jeune rencontré sur le terrain délictueux est susceptible de moins mettre en œuvre le travail de la pensée. Cette absence de pensée l’expose au risque d’être ainsi plus envahi par le processus pubertaire. Le jeune adolescent vit alors l’irruption du génital comme une attaque extérieur pouvant fragiliser ses assises narcissiques. Cela va entraîner à « Agir » d’autant plus pour ne pas « être agi », dans un mouvement de contre investissement projectif sur le monde externe.

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